Fragments de vie
Épigraphes de ses essais littéraires
Pourquoi je peins, pourquoi j'écris ?
Ou une autre façon de NAITRE...
(...) L'achèvement devient une naissance. Il reste de cette lutte intime et « mystique », l'empreinte d'un mouvement originel de la VIE... En rendant visible une vision occulte, je me détermine à sortir des coulisses d'un magma en gestation... Je me décide à EXISTER...
... Car le tableau achevé, je peux voyager infiniment dans le temps et l'espace de ces lignes, de ces couleurs, de ces volumes, de ces mesures, pour lesquels je n'ai pas eu à choisir entre le réel et l'imaginaire, mais seulement à me laisser porter vers un « au-delà » en traversant les « choses » de la VIE par le dehors et le dedans mêlés... À me laisser porter par une vague de fond dont la profondeur m'échappe.
Et en ce sens, écrire et peindre sont par ce biais, identiques, pour moi...
Longtemps la page blanche autour de laquelle je converge et rêve à la fois... Territoire encore intact. Nouveau voyage à l'inconnu...
Et soudain, cette pluie fugace de moineaux imprévus... Ou cette lente résille germant de mot en mot... Justes ? Injustes ?... Lambeaux, pollen, marées, épines, pavanes, sillages, méandres, semailles, évasions, géographie fantasque sous la neige d'un silence accablant...
La plume ruisselle de sentiers balbutiants, de jardins enclos, d'arbres tremblants, d'invisibles cités sans frontières, d'océans transparents ou opaques... D'amours, de larmes, de rires...
Plume d'écume. Plume à sillons gravés dans la tourbe. Plume écorchée.
Les lettres, les mots, leur assemblage, leurs empreintes profondes ou brèves sur la plage vierge, leurs combats ludiques, souvent nocturnes ; virgules d'une respiration, trame du souffle, retrouvailles des rythmes... Moineaux, dansez !
Est-ce que j'écris pour tenter une passerelle ? Choisir peut-être un peu ma vie ? Jouer, jouer, tels des nuages coursant la lune !
Écrire pour inventer une autre circulation, d'autres saisons, des échelles magiques, des fondations de libres et infinis univers...
Tenir debout le soleil en pleine tempête. Longtemps la feuille au vent à l'œil enfant...
Elsa Berg
« Tout à l’heure, je t’ai attendue pendant des années »
Faire le mur, s’évader, Léa veut exister autrement que par la famille, l’école, le mariage. Le fond de la déprime, c’est le voyage dans ce passé de mal-amour, c’est la recherche d’un interstice de liberté à travers quelques contrebandiers d’occasion : Alban sa première fugue, Pierrot son funambule du désespoir, Hélène qui lui ouvre les frontières de l’exil nécessaire et Sophie surtout, sa sœur d’envol et de rupture qui, tout au long du voyage, accompagne sa délivrance.
Léa, femme à naitre entre toutes ses pâles tentatives ou dérives vers... quoi au juste ? Ce bonheur qu’elle veut présent et non plus à venir, joue si souvent à « marche ou crève ». Léa ne veut plus marcher. Et elle ne veut pas crever...
Roman à connotation biographique, Éditions Syros, 1981 (Babeth Fargier)
« Intervalles »
De l’engourdissement, de l’indifférence partout !
Un hiver jusqu’au bout des pierres lancées à toute volée… inutiles
Alors dans la tête, des soleils se lèvent. Des océans s’ouvrent, s’étirent, étincellent. Une voix me redit les mots où refaire la vie. Une voix me tend ses lèvres rouges. Les offrir à la nuit qui courbe des cœurs au fond d’un puits. Langues nouées selon l’ordonnance guerroyante de l’ordinaire.
Depuis cette voix, à l’origine, depuis cette dance, je rejoins les rives vierges du rêve. Et dans la nuit mon poing enfonce des routes, l’été revient.
Les yeux fermés, j’allonge des ailes, très loin dans mon dos.
Et je retrouve la force de repeindre un ciel immense pour une poignée d’oiseaux rescapés.
Du soleil partout !
Recueil de poésies, Cairn Éditions, 1990 (Elsa Berg)
« Comme un vol de mouettes »
Qu’est-ce que tu fais ? me demandent inlassablement les autres.
Je suis dans la chambre vide et close qui borde la planète rouge sang. Je voyage sur le blanc reposoir des murs nus. Roses mortes effeuillées sous l’ombre de mes paupières.
Parfois le pur sanglot d’un enfant ouvre la fenêtre. Et le dehors cogne à mon front, marteaux-piqueurs des quatre-huit, bulldozers des licenciements, bombes des Liban, blindés des Pinochet, bottes de la mort sur nos bouches bruyantes.
Recueil de poésies, Cairn Éditions, 1990 (Babeth Fargier)
« Poupée de sang »
Fragment... La table recouverte de bouts de papiers, de cendriers débordants, de plumes noircies, de compotiers pleins de crayons cassés, de papiers froissés d’épluchures, de gommes cendreuses… Commencement ?... Une tasse à rincer pour du café… Relever la tête agonisante vers les fenêtres plaintives barbouillées de pluie grise... Revenir aux pages de sel pour des mots gercés hésitants, minuscules trajets sans lendemain ! Refuge du café bien chaud... Et contre le silence éreintant, le Requiem de Fauré...
Conte à connotation biographique, SOS Inceste, Grenoble, 1991 (Elsa Berg)
« Comme un vol de mouettes »
Fumée d’écriture. La cigarette est à moitié dévastée. Je dérape entre deux bouffées. Mes épaules n’ont pas respiré depuis cent ans. Je tiens l’ouvroir du vide. Pointe noire de la nuit. Trop de politesse encore recouvre les charniers.
J’essaie, page blanche, hiver qui s’avance, de franchir le mur de l’impuissance. D’apprivoiser la mort.
Car comment oublier que je meurs ? Encrassée, atrophiée, résumée.
Recueil de poésies, Cairn Éditions, 1990 (Babeth Fargier)
« Poupée de sang »
Virgule de chaire, je coule en ta rivière de lait et de senteurs... Je me fais petite pour entrer en toi, y trouver place de reine... Me saouler de toutes tes musiques épaisses et troubles, y succomber, me greffer en toi... Il n’y a que là, dans ta peau, que je suis en paradis. Tu m’imprimes de ton rire, je m’abrite dans tes yeux de pluie-soleil, en toi je suis toi et tu es moi... Encore... encore... En corps indivisible… Pour toujours, pour tounuits, du nuit de miel avec toi, du nuit dans le chant de ta voix... Ô ces étoiles qui coulent en nous !
Conte à connotation biographique, SOS Inceste, Grenoble, 1991 (Elsa Berg)
« Intervalles »
N’y aura-t-il plus de trouées
entre les parois démesurément épaisses
de la solitude ?
Le soleil s’est renversé
en fumées noires et endurcies
dans la fosse des massacres.
Cathédrales des martyrs,
s’élevant hautes rougeoyantes
contre le ciel muet.
S’élevant et s'écartelant
à tous les angles de la terre
inapprochable
Recueil de poésies, Cairn Éditions, 1990 (Elsa Berg)
« Intervalles »
À l’instant évadé
des temps de la haine
jaillit à contre-courant
le mouvement doux du silence
de la demeure chaude de la paix
Recueil de poésies, Cairn Éditions, 1990 (Elsa Berg)
« Intervalles »
Dormeurs de trop de douleur
au-delà de ta peau noircie des fleurs
au-delà de l’étamine en sang
de vos cœurs cassés d’enfants.
Vous tendre l’anneau pur des sources
où vous baigner
en semailles baisers
à l’arrière du silence
vous bercer aux entrailles de l’innocence !
Recueil de poésies, Cairn Éditions, 1990 (Elsa Berg)
« Intervalles »
Encre versée au revers de la page,
houle et hanches distraites
à travers lesquelles font naufrage
de dérisoires espoirs d’avenir,
pour la légèreté secrète
de n’être que de passage.
Recueil de poésies, Cairn Éditions, 1990 (Elsa Berg)
« Comme un vol de mouettes »
Ma peau à ta peau encore collée. Où es-tu maintenant ?
Corps par milliers broyés aux dents perverses de la rentabilité. Pages noires du sang caillé. Mots rescapés des geôles, des gibets, des génocides. Mots jaillis de l’oubli. Mots racines enfoncées dans les pierres. À signer. À saigner. Contre la déportation du cœur vers les camps de la raison d’État. Contre l’intolérable brouhaha complice. Là où se noient les voix de l’espoir. Là où se ferment les yeux du soleil.
Recueil de poésies, Cairn Éditions, 1990 (Babeth Fargier)
À propos de « poupée de sang »
Elsa Berg, poète avant toute autre chose, a écrit un conte à caractère autobiographique. « Bassin Rouge » était le titre initial de son manuscrit. On est en droit de s'interroger sur les raisons invoquées par l'éditeur pour transmuer ce titre en « Poupée de sang ».
Un suicide inconsciemment commandité ?
Le détournement fallacieux du discours tenu par un auteur dans un écrit à caractère autobiographique peut-il conduire celui-ci au suicide ? Je pose cette question, car c’est ce qui s’est produit avec « Poupée de sang ».
« Je sais la blessure, et qu’on ne parle plus à ma place », écrivait Elsa Berg à l’éditeur intéressé par son manuscrit. Derrière cet éditeur se trouvait la fondatrice de SOS Inceste, qui venait de publier son livre-choc, « Le viol du silence ». Éva Thomas était à l’affut de toute publication susceptible de renforcer son audience. On peut tout à fait comprendre ça. Le manuscrit d’Elsa Berg tombait à point nommé, justifiant les subventions réclamées au ministère du Droit des Femmes. Mais il lui fallait un titre à sensation, évocateur d’apostasie, de cènes ignobles et scandaleuses… Une littérature à caractère poétique ne produirait pas l’effet escompté…
Ce bassin rouge, souvent évoqué dans son récit, trahit une intention de l’auteur en écrivant ce conte : mettre des mots sur un vécu infantile inscrit dans sa mémoire avant le verbe, sous l’œil de sa psy, Madame A.C., Psychiatre.
Mais de quel traumatisme nous parle Elsa Berg ? Et à quel réel renvoie son imaginaire mis en mots dans ce récit ?
À aucun moment Elsa Berg n’évoque explicitement l’inceste. Ce dont il est question relève – pour l’essentiel – de la souffrance inévitable – mais « ordinaire » – d’une enfant qui voit débarquer au cours de la troisième année de sa vie un nouveau-né, un « intrus » qui vient briser le lien fusionnel avec sa mère. Rien de plus qu’un grand classique aux oreilles d’un psychanalyste avisé… débarrassé des scories infantiles qui encombre l’inconscient et prive de lumière l’esprit, aveugle et sourd tant qu’il n’est pas libéré des fantômes du passé.
Qui a manipulé Elsa Berg pour la convaincre de changer le titre de son manuscrit ?
Qui sont les imposteurs qui ont prétendu entendre dans son récit l’expression de leur propre vécu, réel ou imaginaire, fantasmé ou rêvé ? Qui l’a convaincu de changer le titre de son manuscrit ? Et au nom de quoi ?
Elsa Berg a été instrumentalisée, victimisée, pour alimenter une obsession féministe « pathologique », doctrine dont se repait la femme qui se dit victime du violeur qui sommeille en tout homme. Cette phrase assassine est le cri de ralliement du féminisme obsessif ; pas celui de la majorité des femmes que l'on croise au quotidien, non, je parle ici d'une minorité, extrémiste, engluée dans un pathos qui les convainc d’être systématiquement et en permanence victime du sexisme des hommes. De tous les homes, devrais-je dire ; vous savez, cette autre petite phrase assassine : « ils sont tous pareils »... Ne dites pas ne jamais l'avoir entendu, personne ne voudra vous croire ! Pour approcher ce féminisme-là, enragé, activiste, il faut franchir les frontières de la paranoïa. Je ne vous apprends rien en disant que la paranoïa est un délire, une psychose, et malheureusement, c'est une pathologie qui ne se soigne pas, sauf à recourir aux injections de neuroleptiques sous la contrainte... qui soignent surtout l'entourage, lui évitant d'avoir à subir les délires de persécution du malade.
Pour ces femmes qui se sont emparées du récit d'Elsa Berg, celui-ci ne pouvait que servir leur cause. Il suffisait de lui donner un éclat plus en affinité avec leur raison d’être. À dessein, elles se le sont approprié, littéralement, l’ont détourné, comme des pirates détournent un avion pour en faire une bombe dirigée contre l’ennemi supposé, sans égard pour la vie des passagers sacrifiés. Ainsi est née « Poupée de sang ». Au prix de la vie d’Elsa Berg ?
Dans la préface de la seconde édition du livre en 2004, la psychiatre (A. C.) qui a suivi Elsa Berg durant les six dernières années de sa vie a démontré sa charlatanerie en écrivant : Le titre « Poupée de sang » s’imposait « parce qu’il y a eu viol ». Cette affirmation infondée et non avérée relève d'une double faute professionnelle, prodigieusement inquiétante chez une thérapeute :
- Oublier ou dénier que le récit est une production de l’imaginaire, même si celui-ci se construit avec des « images » du réel. Pas avec le réel.
- Oublier ou dénier que le réel, « c’est ce que nous ne connaissons pas ». Cette contingence a été mise en lumière dès le IVe siècle avant J.-C. par Platon, dans l’allégorie de la caverne. Au XXe siècle, Jacques Lacan nous l’a rappelé dans son enseignement.
Les recherches menées par Boris Cyrulnik sur le fonctionnement de la mémoire (cf. La mémoire infidèle) confortent l’imposture de cette psychiatre dans ses affirmations péremptoires. Ce qui est par ailleurs corroboré par le récit de mes propres souvenirs dans le chapitre sur la petite enfance de Babeth.
Sauf à redéfinir ce qu’est « objectivement » un viol, ce n’est pas de ce crime dont a été victime Elsa Berg. Elle a sans aucun doute été approchée de façon incestueuse par son grand-père, mais ici le viol relève d’une pure théorie du complot… qui a malheureusement conduit cette femme à son suicide. Si crime il y a, il est commis ici par les phobiques du sexuel, quand elles travestissent une scène de séduction entre une enfant et un adulte – fut-elle érotisée, ou pas – en une scène de viol (cf. La résilience des vécus sexuels infantiles). Les deux sont répréhensibles par la loi, mais ne relèvent pas de la même qualification d’une part, et ne produisent pas les mêmes traumas d’autre part.
Que l’on ne se méprenne pas, je ne porte pas une accusation directe ou infondée, ni même un jugement sur la trajectoire prise par ce récit à caractère autobiographique. Mon propos a pour unique but de montrer à quel point une position défensive, au regard d’une cause en soi défendable, peut se révéler destructrice si l’on cède à l’appel du sensationnel, ou à la victimisation sans limites, dans le seul but d’en retirer quelques bénéfices.
J’ai d’ailleurs plutôt tendance à croire que ces amazones, farouches pourfendeuses de grands-pères et autres oncles ou cousins incestueux, se font souvent les idiotes utiles au service d'une cause apocryphe, sans le savoir, en toute bonne foi. L'imposture est parfois inconsciente… si elle n’est pas de mauvaise foi.
Mon propos est donc aussi une invitation à la réserve, voire à l’abstinence, quant aux commentaires prônés ici et là, à tort et à travers, sur un sujet aussi sulfureux que problématique.
Par exemple, pour ne citer que celui-là, dans l’édition de 2004, André Sauge et Michel Cornu ont tenu des propos sur le récit d’Elsa Berg en totale ignorance de la vie de cette femme. Ils ne l’ont jamais rencontrée de son vivant. Leurs affirmations péremptoires ne sont que les purs produits d’un imaginaire tourmenté et pétri de croyances qui les conduit à l’arrogante prétention de détenir la vérité.
Elsa Berg a été une artiste hors du commun, son talent est incontestable. Est-ce une raison pour en faire une victime ? Victime de quoi, d’abord ? De son grand-père ? Certainement pas. Elsa Berg a été victime de ne pas avoir été entendue, ni reconnue, dans toute la magnificence de sa poésie, Elle est morte de cette non-reconnaissance, et du travestissement de sa création poétique en un récit de la perversité et de la violence d’une doctrine prônée par un féminisme marginal poussé à son extrême, sectaire, dogmatique, sexiste et fascisant, condamnant à la misandrie des femmes influençables, fragilisées et vulnérables, victimes du prosélytisme de cette coterie maléfique.
Le terrorisme fait partie des plus anciennes stratégies pour prendre le pouvoir... En marge de la mouvance féministe, une minorité d'extrémistes est peut-être en train d'en inventer une nouvelle forme, en pratiquant le meurtre psychologique ; ce que le psychanalyste Harold Searles a baptisé « L'effort pour rendre l'autre fou ». Par exemple, dans les divorces, les plus audacieuses n'hésitent pas à accuser le conjoint d'inceste sur les enfants pour anéantir à tout jamais le père. Dans ma pratique de la thérapie familiale, j'en ai rencontré quelques unes, certaines prêtes à tout pour me subordonner à témoigner en leur faveur. À ma connaissance, deux d'entre elles au moins ont été condamnées à des peines d'emprisonnement. Mon souhait serait qu'elles le soient toutes, et qu'en prime elles soient définitivement déchues de tout droit de regard sur leur progéniture, car pour un enfant il est parfois moins affligeant d'être privé de mère que de subir le terrorisme d'une anti-mère.
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Réédition de « Poupée de sang (alias Bassin rouge) », 2014.
Disponible chez l'éditeur : EditAuteur.com
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